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"Shein fait surconsommer": pas chère, la marque chinoise continue de séduire malgré les polémiques

Shein, la marque de "fast fashion" chinoise à petits prix, a pu tester sa popularité ce week-end à Paris avec sa boutique éphémère, qui a attiré les foules. Si la marque permet de se vêtir à moindre coût, elle est accusée de faire travailler des Ouïghours et de nombreuses voix déplorent l'impact environnemental déplorable de son modèle économique. Shein menace également l'emploi en France et copie à tout va.

Près de deux heures de queue, une file d'attente qui s'étend sur une centaine de mètres et des clients souvent très jeunes. La boutique éphémère du géant chinois de la mode à petit prix Shein, ouverte tout le week-end en plein cœur de Paris, attire les foules.

Les consommateurs ont été prévenus de la même façon, sur les réseaux sociaux comme TikTok, sautant sur l'occasion pour faire main basse sur des vêtements à très bas prix, 10 euros pour une robe, 20 euros pour une veste. "Le bas coût fait qu'on peut prendre plusieurs articles à la fois. Avec 50 euros, on peut repartir avec les sacs pleins", explique Léa-Charlie à RMC.

Autre force de Shein, les très nombreuses collections. Une course à la nouveauté qui plaît à Alexandra (18 ans): "Le fait de se dire que tout le monde ne l'a pas, qu'on sort du lot, avec le côté original de la chose, le motif aussi, tout peut être intéressant".

"J'achète pour ma fille, c'est à la mode et c'est pas cher. Et pour Noël, c'est facile d'acheter trois, quatre tenues sans mettre beaucoup dedans", reconnaît Sabrina, qui ne peut se le permettre en consommant dans les commerces locaux. "Et pour un enfant qui prend des centimètres et qu'il faut changer la garde-robe tous les six mois, je ne peux pas mettre 30 euros à chaque fois", ajoute-t-elle.

Coût environnemental et travail des Ouïghours

Mais cette stratégie a un coût important. Un coût environnemental, notamment. "Ces enseignes de fast fashion, et notamment Shein, produisent des vêtements à partir de polyester, une matière issue du pétrole et extrêmement polluante", alerte Nayla Ajaltouni, déléguée générale du collectif Éthique sur l'étiquette.

"Il y a aussi des microbilles de déchets plastiques qui se retrouvent dans l'océan et les vêtements ne sont ni réemployables, ni recyclables. Ils sont trop dégradés, de mauvaise qualité et en majorité issus du pétrole", ajoute-t-elle.

Shein est aussi au centre de vives critiques sur les conditions de travail de ses salariés, indignes et pour un salaire dérisoire. La marque est également accusée de recourir au travail des mineurs et des Ouïghours. Mais pour de nombreux clients, l'aubaine économique l'emporte. "Je sais tout ce qui se dit sur les Ouïghours mais malheureusement, cela ne m'empêche pas d'acheter. On vit une période d'inflation et le prix séduit aussi", reconnaît Alexandra. "Pour quelqu'un qui n'a pas beaucoup d'argent, c'est très tentant", renchérit une autre cliente du magasin éphémère.

"Les pratiques de cette entreprise sont extrêmement contestables mais je n'aime pas ces manières de tomber sur les consommateurs", défend dans "Apolline Matin", ce lundi sur RMC et RMC Story, Ian Brossat, porte-parole du Parti communiste et adjoint à la maire de Paris. La solution pour lui? Le pouvoir d'achat.

"Il faut permettre aux gens d'avoir de meilleurs salaires et de ne pas être obligés d'acheter des produits fabriqués dans de telles conditions. Si les gens avaient un meilleur pouvoir d'achat, ils ne consommeraient plus ces produits et notre économie s'en porterait mieux", ajoute-t-il.

Une menace pour le marché français du prêt-à-porter

La fast fashion et les marques comme Shein ont aussi un impact sur l'emploi en France. "On a une robe pour le prix d'un croissant mais à la fin, ce sont des milliers d'emplois que l'on détruit", alerte Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin. "Il va falloir être raisonnable et interdire l'ultra fast fashion", appelle-t-il, alors que la marque peut compter sur des milliers de relais d'influenceurs sur les réseaux sociaux, "une extraversion qui fait peur" à Yann Rivoallan.

Car la marque inonde le marché. "Shein, c'est 8.000 nouveaux produits par jour, Zara c'est 500 nouveaux produits par semaine et une marque française, c'est 250 produits tous les six mois. En une journée, Shein fait autant de créations et autant de pollution qu'une marque française toute sa vie", assure le président de la Fédération, alors que la marque chinoise représenterait 12% de la consommation de C02 des jeunes, selon Pixpay, une carte de paiement pour adolescents.

"Shein fait surconsommer. Ils sont toujours à la mode parce qu'en trois jours, ils sont capables de copier ce qu'il y a sur TikTok, Instagram, et le fabriquer dans les conditions déplorables que l'on connaît", souligne le président de la Fédération de prêt-à-porter féminin.

Pour consommer "éthique" sans se ruiner, Yann Rivoallan conseille des marques françaises comme Kiabi, qui vend au même prix que Shein avec du coton responsable et des emplois en France. Il cite également Petit Bateau qui développe la seconde main, "pour la conservation de l'environnement". "Il faut redonner du sens à la mode, en se faisant plaisir et en conservant la planète", appelle-t-il.

Guillaume Dussourt avec Rémy Ink