Collectif Éthique sur l’étiquette

Covid-19 : Le retour des bénéfices pour les multinationales. Les travailleur·euse·s de la confection toujours privés de leurs droits

Communiqué de presse - 15 mars 2021

200 organisations de défense des droits humains, regroupées dans la coalition “Pay Your Workers”, demandent aux multinationales du secteur mondialisé de l’habillement, un an après le début de la pandémie, de réparer les déséquilibres dans l’industrie en mettant de l’argent sur la table pour s’assurer que les travailleur·euse·s qui fabriquent leurs vêtements puissent recevoir l’intégralité de leurs salaires et de leurs indemnités de licenciement, et nourrir leur famille. Elles lancent le site PayYourWorkers.org.

Des millions de travailleur·euse·s de l’habillement dans le monde peinent à nourrir leurs familles, abandonnés depuis mars dernier, variable d’ajustement d’un commerce mondial à l’arrêt. À la suite de la chute des ventes d’habillement, les marques et enseignes du secteur ont suspendu ou refusé de payer leurs commandes auprès de leurs fournisseurs, et utilisé le prétexte de la crise pour accentuer la pression sur les prix.

Les travailleur·euse·s de la confection sont confrontés à une perte généralisée d’emplois et de revenus, à des licenciements sans indemnisation et à des violences syndicales, plongeant davantage dans la pauvreté et la faim. Un an après le début de la crise, de nombreuses marques et enseignes ont retrouvé des niveaux de rentabilité et certaines ont même fait des bénéfices record, tandis que les travailleurs de leurs chaînes d’approvisionnement luttent pour survivre.

La campagne #PayYourWorkers #RespectLabourRights rassemble plus de 200 syndicats et organisations de la société civile de plus de 40 pays. Elle demande aux multinationales de revoir le modèle d’une industrie qui continue à bafouer les droits des ouvrières et des ouvriers à un revenu décent. La coalition lance une pétition exhortant les multinationales comme Amazon, Nike et Next à assumer leur responsabilité de donneurs d’ordre en garantissant le versement complet des salaires tout au long de la pandémie, en respectant leur droit à s’organiser et à négocier collectivement, et en faisant en sorte que les travailleurs ne soient plus démunis en cas de faillite de leur usine, en signant pour un fonds de garantie d’indemnités de départ négocié.

PayYourWorkers.org est disponible en 8 langues. Parmi les 200 organisations de soutien figurent des syndicats de travailleurs comme le Garment Labour Union en Inde, des fédérations syndicales internationales comme UNI Global Union et des réseaux internationaux comme la Clean Clothes Campaign et Oxfam. Elles lancent, du 15 au 22 mars, une semaine mondiale d’action en ligne sur les réseaux sociaux et hors ligne en menant des actions devant des boutiques.

Anton Marcus, co-secrétaire du Syndicat des employés des zones franches au Sri Lanka appelle à un large soutien à la campagne : « Les employeurs du secteur sri-lankais n’ont pas payé l’intégralité des salaires et des primes et ont retiré l’aide au transport et l’aide alimentaire lors de la première vague de mars à mai 2020. Selon nos calculs, les employé·e·s du secteur de l’habillement se voient dus au moins 24 millions $ pour cette période. Environ 200 000 ouvrier·e·s ont perdu leur emploi sans recevoir les indemnités légales. Dans l’intervalle, les chiffres des exportations de vêtements ont à peine baissé. Les marques et les fournisseurs doivent assumer leurs responsabilités et verser aux ouvrier·e·s du secteur de l’habillement ce qui leur est dû ».

Next et Nike font partie des grands gagnants (Super winners) de l’industrie, qui se sont rapidement remis des pertes causées par la pandémie et ont recommencé à faire d’importants bénéfices en 2020. Amazon a de son côté annoncé une augmentation de près de 200% de ses bénéfices, atteignant 21,3 milliards $ pour la première année de la pandémie. Ces multinationales ont les moyens et surtout aucune excuse pour continuer à faire reposer le coût de la pandémie sur les ouvrier·e·s du secteur, déjà payés des salaires de misère.

Alors que le Parlement européen vient d’adopter, dans un vote décisif du 10 mars dernier, un rapport central demandant d’instaurer une obligation de vigilance pour les multinationales en Europe, des crises comme celles suscitées par la pandémie mondiale montrent qu’il est plus que jamais essentiel d’imposer aux sociétés transnationales des normes contraignantes pour les obliger à un partage de la valeur et à une responsabilité pour les impacts sociaux et environnementaux vis-à-vis de l’ensemble de leur chaîne de valeur. L’industrie mondialisée de l’habillement ne peut plus reposer sur la violation systémique du droit de millions d’ouvrier·e·s à un salaire et à un revenu vitaux.

CONTACT PRESSE : Nayla Ajaltouni, n.ajaltouni@ethique-sur-etiquette.org

NOTES :

 La pétition est disponible sur le site PayYourWorkers.org et celui du Collectif ethique-sur l’etiquette. La liste complète des signataires est ici.

 Communiqué suite à l’adoption par le Parlement européen du rapport sur le devoir de vigilance des multinationales

 Plusieurs recherches menées au cours de l’année écoulée ont mis en évidence le problème : la Clean Clothes Campaign a calculé en août 2020 que les travailleurs du monde entier se voyaient dus entre 3,2 et 5,8 milliards $ de salaires pour les trois premiers mois de la pandémie. Une enquête du PennState Center for Global Workers’ Rights d’octobre 2020 a montré que les fournisseurs d’habillement avaient déjà licencié 10% des travailleur·euse·s. Un rapport du Workers Rights Consortium de novembre 2020 a montré qu’un grand pourcentage de travailleur·euse·s diminuent leur consommation de nourriture en raison des effets de la pandémie sur leurs revenus. En août 2020, le Business and Human rights center a souligné l’augmentation de la répression des syndicats dans le secteur pendant la pandémie

EN SAVOIR PLUS :
 Campagne #PayYourWorkers-#RespectLabourRights
 Site PayYourWorkers.org.