La France s’est dotée d’une loi unique au monde au titre plein de promesses : le « devoir de vigilance ». Deux ans après sa promulgation, le 27 mars 2017, plusieurs ONG dressent un bilan des premiers efforts de transparence imposés aux grands groupes par ce texte. « Sociétés mères et entreprises donneuses d’ordres » doivent en effet désormais veiller aux bonnes pratiques sociales et environnementales de leurs filiales et sous-traitants. Pour les associations qui ont œuvré à l’adoption de ce texte au nom de la lutte contre l’accaparement des terres, le travail des enfants et la déforestation massive notamment, la conclusion est claire : « Les entreprises doivent mieux faire. »
L’état des lieux établi par les ONG résonne aussi comme une forme d’avertissement. En effet, dès 2019, certaines vont pouvoir poursuivre devant des tribunaux français les plus récalcitrants à faire connaître la façon dont ils comptent s’impliquer dans le contrôle de leurs chaînes d’approvisionnement à l’autre bout du monde.
L’effondrement de l’immeuble Rana Plaza au Bangladesh, qui causa plus de 1 100 morts le 24 avril 2013 dans des ateliers de confection, l’a montré : il est bien difficile de responsabiliser les donneurs d’ordres et d’obtenir des réparations de leur part lorsque les catastrophes (rupture de barrages miniers, pollutions des eaux et des sols) surviennent dans un autre pays – et une autre juridiction – que le leur.
Possibles condamnations
La loi pionnière de 2017 ne prévoit pas elle-même de sanctions pénales, mais ouvre la voie à de possibles condamnations pour des manquements dans la publication d’un plan annuel détaillant les mesures de « vigilance raisonnable » à mettre en œuvre. Elle concerne les groupes implantés en France qui emploient au moins 5 000 salariés dans le pays ou bien 10 000 dans le monde, soit directement, soit dans leurs filiales. Faute de disposer d’une liste officielle complète, les ONG évaluent leur nombre entre 120 et 300.
Six d’entre elles (Actionaid pour des peuples solidaires, Les Amis de la Terre, Amnesty International, CCFD-Terre solidaire, le collectif Ethique sur l’étiquette, Sherpa) se sont penchées sur quatre-vingts de ces plans qui étaient censés être publiés en 2018. Ces documents doivent comporter une cartographie identifiant les risques, présenter un dispositif d’évaluation régulière de la situation et des actions destinées à atténuer ou « prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement », comme le précise la loi.
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