Il y a quatre ans, le bâtiment du Rana Plaza s’effondrait sur des milliers de travailleuses et travailleurs du textile au Bangladesh. Depuis, les responsables n’ont pas été condamnés et les quelques avancées semblent fragiles. La France a fait un premier pas en adoptant le devoir de vigilance des multinationales mais les ONG appellent à un changement en profondeur du système économique de la "fast fashion".  

C’était il y a quatre ans. Le 24 avril 2013, l’immeuble du Rana Plaza s’effondrait. Bilan : 1138 morts, 2000 blessés. En cause : un non-respect des normes de sécurité.  La veille, des consignes d’évacuation avaient été émises à la suite de fissures, mais ignorées.    
L’ampleur de l’accident a provoqué une prise de conscience chez les consommateurs : le Rana Plaza abritait 6 usines de textile sous-traitantes de grandes marques occidentales. Parmi elles Auchan, Beneton, H&M, Mango ou encore Primark. La face sombre de la "fast fashion" est apparue au grand jour, écorchant au passage la réputation des grandes marques.  

Aucune condamnation  



Depuis ? Personne n’a été condamné mais le propriétaire du Rana Plaza ainsi que 40 personnes sont poursuivis pour meurtre. Seules quelques centaines des 4 500 usines de textile du Bangladesh respectent les normes de sécurité. Le salaire minimum est passé à 60 euros mensuels dans le secteur mais les travailleurs du textile bangladais restent parmi les moins bien payés au monde.  
"Le combat pour le respect des droits basiques au travail demeure plus que jamais réalité", estime le collectif Éthique sur l’étiquette qui souligne que "les mesures d’assouplissement ont vite laissé la place à la répression par le gouvernement des mouvements sociaux et de travailleurs". En février, à la suite de grèves, le gouvernement a arrêté 34 représentants syndicaux. 1 600 travailleurs ont été licenciés et 1 500 autres accusés de vols, d’incendie criminelle, de vandalisme et d’extorsion. Mais cela n’a pas empêché des centaines de manifestants de se réunir ce lundi 24 avril à Dakka, pour réclamer une augmentation salariale et de meilleures conditions de travail.    
Pour les victimes et leur famille, un fonds d’indemnisation, non contraignant, a été créé. 19 millions de dollars ont été versés aux 3 000 victimes mais certaines marques, dont Benetton, ont refusé d’y participer avant de céder à la pression des ONG. "La décorrélation entre la responsabilité du donneur d’ordre dans le drame et l’effort d’indemnisation, renforcée par la possibilité pour ces derniers de conserver l’anonymat comme de ne pas divulguer le montant versé, ne contribue pas à garantir un accès des victimes à la justice, ni à la mise en œuvre de mécanismes efficaces de prévention d’atteintes aux droits humains ou à l’environnement causés par l’activité des multinationales", estime le collectif.  

Responsabiliser les donneurs d’ordre  



En France, un premier pas a été franchi pour responsabiliser les donneurs d’ordre. Une loi instaurant un devoir de vigilance a été adoptée en ce début d’année. Il vise à prévenir les risques sociaux, environnementaux et de gouvernances liés aux opérations des multinationales tout au long de leur chaîne d’approvisionnement. Ainsi les multinationales françaises devront publier, à partir du 1er janvier 2018, un plan de vigilance pour identifier et prévenir les atteintes aux droits humains et environnementaux.
"C’est désormais aux niveaux européens et international que la construction de législations contraignantes doit se poursuivre", exhorte Éthique sur l’étiquette. Même si pour l’instant, l’UE ne souhaite pas légiférer en ce sens, les ONG comme Human Rights Watch, ICAR ou le syndicat Industriall ne désarment pas. Ils ont lancé cette semaine une campagne intitulé “Tirez le fil : nécessaire transparence de la chaîne d’approvisionnement dans l’industrie de l’habillement et de la chaussure" pour appeler toutes les multinationales à signer un pacte pour la transparence. Objectif : publier tous les 6 mois les lieux où leurs produits sont fabriqués. Sur les 72 multinationales contactées par les ONG, 17 ont pour l’instant signé le pacte.  

Lutter contre la "fast fashion"



Mais c’est plus globalement la "fast fashion" qui est remise en cause. "Force est de constater qu’aucune multinationale n’a fait évoluer son modèle économique", constate Ethique sur l’étiquette. "Ce modèle global demeure fondé sur une minimisation des coûts de production, une mise en concurrence des travailleurs à travers le monde vers une recherche court-termiste de profit".  
Pour y faire face, samedi 22 avril, plusieurs acteurs de la slow fashion, cette mode plus responsable fondée sur un modèle économique durable, transparent et respectueux des droits humains, ont lancé la Fashion Revolution Week dans 70 pays. Objectif : sensibiliser le grand public au risque de la "fast fashion" et exiger plus de transparence et de traçabilité des vêtements. 

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