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Quotidien

Quoi, mes vêtements polluent ? Voici comment m’habiller écolo

Fibres synthétiques ou naturelles ? Jean ou pas jean ? Quand on sait que la mode est la deuxième industrie la plus polluante et que les conditions de travail des ouvriers sont souvent désastreuses, comment s’habiller quand on a une conscience écolo ? Notre journaliste a trouvé les pistes.

J’ai clairement tendance à m’habiller toujours de la même façon, jean/tee-shirt ou jean/pull selon les saisons. Pourtant, un simple regard me suffit à réaliser l’ampleur du dégât : mon placard déborde. Entre les vieilles robes, les pantalons que je garde en espérant rentrer un jour dedans ou encore les chemises à valeur symbolique, je n’échappe pas à la règle. J’achète, j’empile et j’accumule sans penser au coût environnemental alors même que la mode est la deuxième industrie la plus polluante. Juste derrière le secteur pétrolier. Grosse douche froide pour ma garde-robe.

Comme le rappelle l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), la fabrication d’un simple tee-shirt équivaut à 2.700 litres d’eau. Par an, ce sont plus de 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre qui sont produits par cette industrie. Des chiffres qui sont directement liés à ma propre consommation : choix des matières premières, confections, teintures, transports… Tout cela pèse durablement sur l’environnement. Pour réussir à avoir un mode de vie plus écolo, cela ne passe donc pas seulement par l’alimentation ou mon moyen de transport, mais aussi par la façon de m’habiller. « Achète moins pour acheter mieux », me conseille-t-on immédiatement. Sur le principe, je suis d’accord, mais comment ça se passe en pratique ? J’ai tenté d’y voir plus clair.

Étape numéro 1 : quelles matières privilégier ?

Pour m’aider dans ma démarche, j’ai appelé Eloïse Moigno, la fondatrice de SloWeAre, une plate-forme sur la mode écoresponsable. « Le premier réflexe est de regarder les étiquettes, m’explique-t-elle. C’est essentiel de connaître les différentes matières. » En bonne élève, je m’attelle à la tâche et commence à faire le point sur mon propre dressing.

En scrutant mes étiquettes, je redécouvre tout un tas de matières : polyester, nylon, acrylique, élasthanne, polyamide, acrylique, polyacrylique… « Ce n’est pas étonnant, les fibres synthétiques sont partout désormais », commente Eloïse Moigno. Problème, elles sont produites à partir de pétrole et ont donc un impact environnemental particulièrement élevé. Pour fabriquer 1 kg de polyester, on estime qu’il faut près de 1,5 kg de pétrole. Et cela ne s’arrête pas là, car ces vêtements restent particulièrement nocifs pour l’environnement, même après leur production. Au moment du lavage, ils dégagent des microparticules de plastiques si fines que les stations d’épuration des eaux usées ne peuvent pas les filtrer. Chaque année, près de 500.000 tonnes de ces microparticules se retrouvent dans les océans, soit l’équivalent « de plus de 50 milliards de bouteilles en plastique », selon l’Ademe.

Quant aux fibres artificielles produites à partir de bois, telles que le viscose, le processus de fabrication est particulièrement néfaste : déforestation, forte consommation d’eau ou encore pollution des sols, du fait des solvants chimiques utilisés pour transformer la pulpe de bois en tissu… Bref, je fais une croix sur la fausse soie. 

Je retrouve des matières synthétiques dans la majorité de mes vêtements.

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Conclusion ? « Il faut privilégier les matières naturelles. » Et s’éloigner le plus possible des fibres synthétiques et artificielles. Dans les tréfonds de ma garde-robe, je découvre, heureusement, quelques tee-shirts 100 % coton. Sauvée ? Toujours pas, car la production de coton est une des plus polluantes au monde. Si sa culture ne couvre environ que 2,5 % des surfaces cultivées mondiales, elle utilise plus d’un quart de la consommation mondiale des insecticides. Elle est également particulièrement gourmande en eau. « Mais le coton bio est une bonne alternative », me glisse Eloïse Moigno. Parmi les autres matières à privilégier, elle me cite, pêle-mêle, le lin, « dont 80 % sont d’origine européenne et poussent entre Caen et Amsterdam », la laine « en vérifiant sa provenance pour éviter que les moutons soient maltraités », le chanvre ou encore le Lyocell, cette fibre créée à partir de la pulpe d’eucalyptus, « produite en circuit quasi fermé et biodégradable ».

  • En pratique : Avant tout achat, je commence enfin à regarder les étiquettes pour traquer les fibres synthétiques. Et je privilégie des matières naturelles, comme le lin ou le chanvre, si possible bio.

Étape numéro 2 : quelles marques choisir ?

En errant dans des rayons, le regard scrutateur, j’ai repéré bon nombre de marques qui proposent des tee-shirts en fibres naturelles. Et ce n’est pas cher. Doucement mais sûrement, je commence à me dire que ce n’est pas si compliqué de trouver des habits écolo bon marché. Mais, comme toujours, mes certitudes auront fait long feu. « Acheter un teeshirt à 10 euros, c’est un non-sens quand on sait que les ouvriers dans les usines touchent moins de 5 % de son prix », me prévient Isabelle Quehé, coordinatrice de Fashion Revolution France.

Pour acheter des vêtements écoresponsables, d’autres critères que l’impact environnemental sont à prendre en compte. Une fois le tissu prêt, il va être découpé, cousu et transformé par des ouvriers, dans « des pays où les réglementations sont moins contraignantes pour les entreprises », selon Isabelle Quehé. Forcément, on pense au Rana Plaza, cette usine de textile au Bangladesh qui s’est effondré, en 2013, causant la mort de plus de 1.100 ouvriers. Depuis, de nombreuses marques de la fast fashion mode jetable », en français) ont développé des collections qui respecteraient « les personnes et l’environnement », soit la gamme Conscious pour H&M, Join Life pour Zara ou encore Committed pour Mango... « Ce qui est certain, c’est que ce drame a abouti à une prise de conscience citoyenne, complète Nayla Ajaltouni d’Éthique sur l’étiquette. Mais la fast fashion reste un modèle économique dévastateur, car il nécessite de produire beaucoup, fréquemment, avec des coûts extrêmement bas. » Parmi les symboles de cette mode jetable, on retrouve le jean et en particulier la technique du sablage pour lui donner un aspect délavé. Depuis 2011, le collectif Éthique sur l’étiquette dénonce cette pratique qui, en plus des dégâts écologiques, provoque chez les ouvriers du textile des maladies respiratoires mortelles, comme la silicose.

Près de 2,3 milliards de jeans sont vendus dans le monde chaque année.

Alors, comment faire pour m’assurer de la provenance de mon jean ? « Il faut réapprendre à payer un juste prix, affirme Isabelle Quéhé. On trouve des jeans équitables, mais il faut chercher un peu. » De son côté, Nayla Ajaltouni conseille les « marques de créateurs, avec des chaînes de production complètement transparentes, de la matière à la conception ». Parmi celles évoquées lors de mes recherches, on peut trouver (sans volonté d’exhaustivité) : le Basiq, La Petite Mort, Armedangels, People Tree, Olly Lingerie, Kipluzet

Dans un deuxième temps, pour être certain que mes habits soient bel et bien écoresponsables, on me renvoie à un label en particulier : Gots, dont la labellisation exige que 95 % des fibres soient certifiés biologiques et qui assure également que les conditions de travail soient respectées dans les usines. Mais il y en a de nombreux autres auxquels on peut se référer, selon l’Ademe, comme l’Écolabel européen, Écolabel Nordic, Fairtrade Max Havelaar, Bioré ou encore Écocert-Textile.

  • En pratique : « Quand vous achetez un vêtement, la marque doit être capable de répondre à ces questions : où, quand, comment », rappelle Nayla Ajaltouni, pour être sûr de la traçabilité du produit. En cas de doute, pour m’aider, je m’appuie sur les labels. Et surtout, j’oublie les jeans délavés.

Étape numéro 3 : comment continuer d’être écolo, même après l’achat ?

Je sais désormais déchiffrer les étiquettes (un peu) et commence à y voir plus clair dans les différents labels. Il me reste encore un point crucial à régler pour passer d’une mode jetable à une mode plus durable. Car les impacts environnementaux du secteur textile ne s’arrêtent pas à la fabrication d’un short, il s’agit également de prendre en compte l’après. Si les gaz à effet de serre générés par le jean proviennent, pour moitié, du processus de fabrication, son utilisation (notamment le lavage) et « sa fin de vie » sont, quant à eux, responsables de l’autre moitié.

Et quand je me penche un peu plus sur mes propres pratiques, le bât blesse : une absence totale de tri de mes habits en amont, des machines à 60 °C, de la lessive tout sauf respectueuse de l’environnement… Or, le lavage du linge représente près de 12 % de la consommation d’eau des Français et pollue durablement notre environnement. Encore une fois, l’Ademe propose quelques astuces pour limiter les dégâts. Cette dernière recommande notamment d’acheter les lessives labellisées Écolabel européen. Un autre aspect essentiel est de privilégier des machines à basse température, car « un lavage de 90 °C consomme trois fois plus d’énergie qu’un lavage à 30 °C ». Dernier conseil de l’Agence de l’environnement : « Évitez totalement l’usage du sèche-linge, très énergivore, en essorant à la vitesse maximale que le linge peut supporter, puis en l’étendant à l’air libre. »

Concernant la fin de vie de mes habits, ce n’est pas beau à voir non plus. Je l’avoue, mes chaussures trouées finissent régulièrement à la poubelle. Quant aux vêtements, ils sont empilés dans un placard obscur dans l’entrée de mon appartement, dans une ambiance de purgatoire. Or, sur les 624.000 tonnes de vêtements importées en France chaque année, seul un tiers est récupéré par des organismes de collecte, soit 223.000 tonnes. « On se dit souvent que notre pantalon troué ne servira à personne d’autre, mais en fait, il faut réaliser que le tissu pourra être réutilisé ou recyclé, explique Adèle Rinck, chargée de la communication à Eco TLC. L’idée est d’être dans une logique d’économie circulaire pour limiter la création de nouveaux vêtements. C’est le futur de la mode. » De plus en plus de marques se mettent sur le créneau et donnent une deuxième vie à nos habits, comme Les Récupérables, Loom, Hoopal ou encore Wylde.

Pour les petits budgets, une bonne alternative est également de se diriger vers les habits de seconde main. On peut ainsi aller à Emmaus ou encore sur le Bon Coin pour être certain de ne pas participer à la création de nouveaux vêtements.

Ci-gisent mes vêtements.
  • En pratique : Je lave moins mes habits et j’optimise mes machines, promis. Et surtout, j’arrête de penser « placard dans l’entrée » quand je veux me débarrasser de mes vieux vêtements et je me dirige vers les bornes de tri.
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