Avec la seconde main, la fast fashion veut redorer son image

Par Claire Roussel
seconde main
La seconde main, c'est des prix accessibles, la possibilité d’obtenir des pièces tendances moins chères, l'économie des ressources, diminution du gâchis textile… Des atouts écologiques et marketing qui attirent des marques de mode qui n'hésitent pas à lancer leur propre plateforme de re-sale.

Encore mal vue il y a quelques années, la seconde main a été démocratisée par les plateformes spécialisées comme Vinted et Vestiaire Collective.

Et ça n’est pas prêt de s'arrêter : le marché de la seconde main devrait augmenter de 127% d’ici 2026.

Face à cette popularité croissante, de nombreuses marques, pas forcément spécialisées dans la mode écoresponsable, ont saisi l’opportunité. Aigle,The Kooples, Sandro, Zalando, Petit Bateau, Amélie Pichard… Elles sont nombreuses à avoir monté leur propre plateforme.

Et la fast-fashion n’est pas en reste : les géants Zara et Shein ont rejoint le mouvement en octobre.

Zara Pre-Owned, Shein Exchange, la montée du re-sale

Connues pour être en compétition (le challenge Zara vs Shein amasse 50 millions de vues sur TikTok), les deux marques ont annoncé des initiatives circulaires à quelques semaines d’intervalle.

Accessible uniquement au Royaume-Uni pour le moment, Zara Pre-Owned propose un triple service : plateforme de revente digitale, réparation de produits Zara et récolte de dons, toutes marques confondues, qui iront à la Croix Rouge.

La clientèle pourra effectuer ces démarches via le site Zara ou dans la boutique de son choix.

Shein Exchange se base également sur le principe d’un "Vinted" dédié aux produits de la marque. Elle est en phase de test aux Etats-Unis, où Shein est l’application la plus téléchargée en 2022.

La marque a assuré qu’elle ne toucherait aucune commission sur les ventes de sa nouvelle plateforme, gérées entièrement par sa clientèle.

Des pratiques de production qui restent douteuses

Ces initiatives ont fait lever quelques sourcils, notamment pour Shein. Une journaliste britannique s’était infiltrée dans des usines de la marque chinoise pour un documentaire de Channel 4.

Vidéo du jour

Verdict : certain·es employé·es travaillent jusqu’à 18 heures par jour et touchent l’équivalent de trois centimes par vêtement cousu.

Une enquête de Bloomberg a également démontré que la marque utilise du coton récolté par des Ouïghours mis en esclavage.

Niveau environnement, Shein est la plus grande marque d’ultra fast-fashion au monde et propose des milliers de nouveaux designs par jour sur ses plateformes.

Une étude affirme même que la marque serait responsable de 12% des émissions de CO2 des adolescent·es.

Pour couronner le tout, Greenpeace a analysé des vêtements de Shein et découvert des substances toxiques à des taux supérieurs à ceux autorisés par l’Union Européenne.

On en relativiserait presque sur le cas de Zara, mais elle reste une marque de fast-fashion.

D’après les applications de notation éthique Good on You et Clear Fashion, la marque ne publie pas suffisamment d’informations sur ses pratiques écologiques et elle produit environ 450 millions de vêtements par an selon The Fashion Law.

Elle appartient au groupe Inditex, qui a fait l’objet d’une plainte pour recel de crime contre l’humanité portée par le collectif Éthique sur l’étiquette, l’association Sherpa, l’Institut ouïghour d’Europe et une rescapée ouïghoure.

Face à ces accusations, l’ouverture de plateformes de seconde main par les deux marques évoque plus une diversion marketing qu’une réelle volonté d’améliorer leur impact social ou écologique.

Le re-sale, du marketing au greenwashing

Se lancer dans la seconde main est une stratégie classique pour les marques souhaitant se donner une image éco-responsable.

Si de nombreuses études ont en effet démontré que l’impact écologique d’un vêtement se joue largement pendant sa production (ce que la seconde main évite), ces initiatives ne compensent pas l’impact des vêtements neufs qu’une marque continue de vendre.

Surtout si elle ne baisse pas ses quantités de production. Cette réduction est pourtant une priorité, comme l’indique Aja Barber, spécialiste de la mode éthique et autrice du livre Consumed.

"Afin de devenir durable, chaque marque de grande distribution que vous connaissez devra adopter la décroissance, réduire la quantité de production qu'elle fait déjà et trouver des moyens légitimes de rendre son activité circulaire. Mais un business circulaire sans décroissance active sur une planète stressée et à court de ressources, c'est du bullshit" écrit-elle sur Instagram.

Shein et Zara ne sont pas les premières marques à utiliser des initiatives circulaires pour redorer leur image.

H&M a mis en place un système de récupération, où ses cliente peuvent déposer des vêtements abîmés pour qu’ils soient recyclés, et a lancé la gamme Conscious, affirmant que les vêtements de cette collection seraient composés de minimum 50% de coton ou polyester recyclé.

Pourtant,  H&M est actuellement poursuivi en justice pour greenwashing, en lien avec ces deux initiatives.

S'il l'on peut salhuer la prise de conscience autour d'une mode durable et des possibilités de la seconde main, la question de réduire drastiquement les quantités de vêtements produits - qui sera un pas en avant majeur et nécessaire - reste pour l'instant ignorée. 

[Dossier] Comment la mode se veut plus éthique ? - 45 articles à consulter

NEWSLETTER

Toute l'actu Marie Claire, directement dans votre boîte mail