Une crise dont les travailleur·euse·s paient le prix fort – mars 2021
Les personnes qui fabriquent nos vêtements – en grande majorité des femmes – perçoivent un salaire parmi les plus bas au monde. Avec le Covid-19, leur situation est encore aggravée : dès les trois premiers mois de la pandémie elles ont perdu au moins trois milliards de dollars US de revenu, et ce chiffre ne cesse d’augmenter. Environ 10 % du personnel des usines textiles a perdu son emploi. Plusieurs millions d’employé·e·s du secteur sont menacé·e·s de licenciement, n’ont plus reçu l’intégralité de leur salaire depuis des mois et mettent chaque jour leur santé en danger en travaillant sans équipement de protection adéquat face au Covid-19. Il ne leur reste plus qu’à sauter des repas et emprunter de l’argent pour espérer pouvoir nourrir leur famille. En même temps, leur droit à la liberté syndicale est de plus en plus limité.
Des décennies d’exploitation et de conditions de travail affligeantes ont maintenu dans la pauvreté et la précarité les ouvrier·e·s qui travaillent dans les usines de confection. Ils sont aujourd’hui touchées de plein fouet par les graves conséquences de la pandémie.
De mauvaises conditions de travail sont aussi synonymes de mauvaises conditions de logement. Les travailleuses migrantes vivent ainsi souvent en très grand nombre dans des hébergements collectifs, sans installations sanitaires suffisantes. Dans de nombreux foyers, les femmes sont contraintes d’assumer de nombreuses charges, comme les tâches domestiques, la garde des enfants et les soins. Elles sont ainsi exposées à des risques accrus.
Les ouvrières qui défendent leurs droits ou ceux de leurs collègues sont particulièrement menacées. La pandémie et les mesures prises pour y faire face sont utilisées comme prétexte pour les discriminer et limiter les libertés syndicales. Les travailleuses syndiquées sont souvent les premières licenciées, par exemple.
Le poids de la crise ne doit pas être reporté sur les travailleuses et travailleurs !
Vous trouverez plus d’informations sur l’évolution de la situation dans différents pays dans le Live-blog de la Campagne Clean Clothes.
Les multinationales de l’habillement doivent immédiatement prendre des mesures pour que les travailleuses et travailleurs qui fabriquent leurs vêtements perçoivent l’intégralité de leur salaire ou des indemnités qui leur sont dues en cas de fermeture d’usine ou de licenciement. Avec seulement 10 centimes par t-shirt, les grandes enseignes de la mode et aux détaillants, tels que Nike, Amazon et Next, elles pourraient garantir qu’ils reçoivent un revenu suffisant pour survivre à la pandémie, et constituer un système d’assurance sociale plancher contre le risque de chômage.
Le modèle économique dominant dans l’industrie de la mode, de pression sur les coûts et les délais de production, a des conséquences dramatiques pendant la crise.
Dès le printemps 2020, les multinationales du secteur, face aux chutes des ventes, ont annulé des commandes et même refusé de payer des commandes déjà produites, en invoquant une clause de « force majeure », souvent peu défendable sur le plan juridique. Les usines se sont alors retrouvées avec la marchandise sur les bras et ont dû assumer les coûts de matériaux et de main-d’œuvre. Un fournisseur sur deux a vu ses commandes diminuer de plus de 50 % par apport à l’année précédente, et un sur cinq a même dû accuser un recul de 75 % et plus (Mark Anner et WRC, Leveraging Desperation, octobre 2020). La pandémie a montré que, sur les chaînes d’approvisionnement où les enseignes et grands détaillants ont leur mot à dire, les coûts et risques sont reportés sur les fournisseurs et prestataires de services, puis en fin de compte sur les travailleuses et travailleurs. La plupart des usines tournent en dégageant de maigres marges et ne disposent pas de réserves suffisantes ou d’accès au crédit pour continuer à payer leur personnel en cas de fermeture ou d’exploitation réduite. Elles n’ont pas les moyens de survivre à des périodes de violentes turbulences économiques et de fortes baisses de rentrées financières, telles que celle engendrée par la pandémie de Covid-19.
La forte baisse de la demande par les multinationales de la mode a entraîné des surcapacités de production dans les chaînes d’approvisionnement en Asie. La concurrence entre les fournisseurs est donc d’autant plus féroce pour décrocher les commandes restantes, et les marques en profitent pour accroître leur pression sur les prix. Selon l’étude « Leveraging Desperation » (octobre 2020), deux fournisseurs sur trois font état d’une chute moyenne des prix de 12 % dans plus de 15 pays. Pour ne pas perdre de clients, plus de la moitié des fournisseurs vont jusqu’à accepter des commandes qui ne couvrent même pas leurs coûts. Dans son étude « Shopping for a Bargain » (novembre 2020), Oxfam fait également état de négociations agressives sur les prix, de calendriers de commandes incertains, de délais serrés et de modifications des commandes à la dernière minute.
Les grandes marques et enseignes ne peuvent plus se soustraire à leurs responsabilités
Pour réduire les coûts et accroître les profits, les enseignes de la mode, notamment celles de fast fashion, ont concentré leur production dans des pays où prédominent les salaires de misère, la répression des syndicats et une mauvaise protection sociale. Cette pratique leur a permis de dégager depuis des décennies d’énormes profits pour leurs propriétaires et leurs actionnaires, en profitant de l’exploitation des travailleuses et des travailleurs. Avec des salaires insuffisants pour vivre, il est impossible de mettre de l’argent de côté pour tenter au moins de limiter les lourdes conséquences de la crise : des menaces imminentes de licenciement et de perte de revenus pèsent sur des millions de foyers vivant dans la plus grande pauvreté.
La pandémie de Covid-19 met en lumière les injustices profondes de l’industrie textile mondialisée.
Il est temps d’exiger des changements !
Les vies humaines doivent passer avant les profits. Signez la pétition adressée aux marque et enseignes, et engagez-vous à nos côtés pour une industrie textile plus juste.