Voilà plus de huit mois que 2 000 ex-employé-e-s de l’usine turque Hey Tekstil attendent d’être payé-e-s. Leur entreprise, un fournisseur de la marque de prêt-à-porter Esprit, a fermé ses portes au printemps sans payer les arriérés de salaires, ni les indemnités de licenciement prévues par la loi. Depuis, ces ouvrier-ère-s sans ressources s’organisent, protestent et réclament d’Esprit le paiement des 4,7 millions d’euros qui leur sont dus.
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En mai dernier, après avoir fermé une première unité de production au mois de février, l’entreprise Hey Tekstil met brutalement la clé sous la porte laissant 2 000 travailleur-se-s sur le carreau auxquel-le-s elle doit la somme colossale de 4,7 millions d’euros d’indemnités de licenciement et d’arriérés de salaires. Mais ces ex-salarié-e-s n’ont pas reçu un seul centime : la société est en faillite, ses biens ont été saisis par la justice et… plusieurs de ses dirigeants ont même été arrêtés puisque Hey Tekstil fait par ailleurs l’objet d’une enquête pour exportations fictives !
Avant la fermeture de leurs usines, les employé-e-s de Hey Tekstil subissaient de très mauvaises conditions de travail : leurs salaires ne leur permettaient pas de se hisser au-dessus du seuil de pauvreté en Turquie malgré des journées de 13 à 15 heures de travail, six jours par semaine. Aujourd’hui, la situation est catastrophique : certain-e-s n’ont plus été payé-e-s depuis novembre 2011. Sans ressources, ils-elles se retrouvent dans l’incapacité d’envoyer leurs enfants à l’école ou d’acheter des médicaments.
« Je manifeste depuis plus de 8 mois (…) Je suis là pour ma femme et de nos deux enfants. J’ai été contraint de contracter de nombreuses dettes auprès des banques et de magasins d’alimentation. Je suis diabétique mais je n’ai plus d’assurance depuis que j’ai perdu mon emploi, et bientôt, je ne pourrai plus payer mes médicaments. Je n’ai pas d’autre choix que d’être ici » explique Murtaza Koseoglu qui a travaillé neuf ans pour Hey Tekstil.
Gullu Ilk, une autre ex-ouvrière, a réussi à trouver des contrats journaliers. Mais handicapée, et avec deux enfants à charge, elle aura beaucoup de difficultés à trouver un nouvel emploi. Son ex-employeur lui doit trois mois de salaire et l’intégralité de ses indemnités de licenciement. « Nous fabriquions des vêtements pour de grandes marques » explique Gullu, « maintenant, ces marques devraient payer nos salaires. »
Avant sa fermeture, Hey Tekstil fournissait différentes grandes marques internationales, dont principalement Esprit. Ces marques plaçaient leurs commandes via Li & Fung, l’un des plus gros négociants de vêtements au monde. Li & Fung achetait jusqu’à 90 % de la production des usines de Hey Tekstil ces deux dernières années. Interpellées par les ex-travailleur-se-s de Hey Tekstil et par la Clean Clothes Campaig (dont le Collectif Ethique sur l’étiquette est la représentation française), Esprit refuse pourtant toute négociation.
En agissant ainsi, Esprit manque à ses responsabilités à l’égard des travailleur-se-s de Hey Tekstil. Sur son site Internet Esprit s’engage en effet à « établir et entretenir avec [ses] partenaires commerciaux des relations durables, fondées sur la franchise, l’honnêteté et la confiance » et à effectuer des audits sociaux « pour garantir que [ses] fournisseurs se conforment à ces principes et les font observer ».
Esprit se targue même d’avoir « adhéré à la Business Social Compliance Initiative (BSCI) instituée par la Foreign Trade Association (FTA) cette année ». Or le code de conduite de la BSCI prévoit que « les sociétés s’engagent, dans leur sphère d’influence, à reconnaître les normes sociales et environnementales énoncées dans ce code et à prendre, dans leur politique d’entreprise, les mesures adéquates pour assurer la mise en œuvre et le respect de ces normes. De plus, les fournisseurs doivent s’assurer que le code de conduite est également observé par les sous-traitants impliqués dans les processus de production des phases finales de fabrication (…) »[1].
Non seulement Esprit n’a pas identifié les violations graves dont son fournisseur Hey Tekstil se rendait coupable, mais elle refuse aujourd’hui d’assumer sa responsabilité envers les 2000 personnes qui ont fabriqué ses produits et qui se retrouvent à la rue, du fait de sa négligence. Seule action qu’Esprit accepte d’entreprendre, huit mois après les faits : le lancement d’une enquête. Et pendant ce temps, les travailleur-se-s continuent d’attendre…
Les ex-employé-e-s de Hey Tekstil ont lancé des procédures judiciaires en Turquie pour obtenir le paiement des salaires et indemnités qui leurs sont dus. Mais ces procédures pourraient prendre des années avant d’aboutir, pendant lesquelles ces milliers de femmes et d’hommes resteront sans ressources.
Depuis février, ils-elles manifestent donc sans relâche. D’abord devant les locaux de Hey Tekstil, puis depuis mars, devant ceux de Li&Fung à Istanbul. Ils-elles se sont même rendu-e-s au Parlement turque, en vain.
En solidarité avec les militant-e-s turcs, la mobilisation s’étend désormais au niveau international. Début novembre, des organisations de défense des droits des travailleur-s-es ont ainsi organisé des actions de solidarité en Chine et en Thaïlande !
Le 2 novembre, des membres de l’Association d’étudiants et d’universitaires contre la mauvaise conduite des entreprises (Students and Scholars Against Corporate Misbehaviour – SACOM) et du Réseau asiatique de surveillance des entreprises transnationales (Asian Transnational Corporations Monitoring Network) ont essayé de pénétrer dans les bureaux de Li&Fung et d’Esprit à Hong Kong. Ils en ont été empêchés par des agents de sécurité, et se sont donc rendus dans un magasin Esprit de la ville, où ils ont pu rencontrer un représentant de la marque.
En Thailande, un groupe de militantes ont protesté devant un magasin de la marque Esprit à Chiang Mai.
Le 14 novembre, une délégation de militant-e-s de la Clean Clothes Campaign et du Collectif Ethique sur l’étiquette ont organisé une action de protestation devant un magasin Esprit à Amsterdam. Ils-elles ont remis une lettre au responsable des ventes de l’enseigne aux Pays-Bas.
C’est désormais à nous d’agir : signez cet Appel Urgent pour envoyer immédiatement un message de protestation à Esprit !
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